Adieu Maman, de Mohamed Nour Wana, poète exilé rencontré sur un campement de rue parisien.
ADIEU MAMAN
Pardonne moi maman.
Pardonne moi d’être parti sans te prévenir. Pardonne moi de t’avoir embarrassé. Pardonne moi d’avoir été trop subtil et d’être parti comme un voleur, car je fuyais la terreur et c’est l’erreur qui m’a surpris. Aujourd’hui assise sur une natte, au fond de la cour, sur le sable où je jouais, larmes aux yeux je sais que tu penses à moi qui suis ton fils unique, maman. Tu diras à nos voisines « Mon fils est parti loin d’ici, loin de toutes ces hostilités. » Il aura la vie sauve. Il aura un avenir meilleur. Et me reviendra avec un grand sourire. Ce sera le sourire de la victoire. Ce sera le sourire de la liberté.
Mais non maman, ce serait une erreur de ta part, car à présent je ne suis qu’un fantôme qui vit dans l’eau. Oui j’ai péri maman. J’ai péri au plus profond de nulle part et mon coeur s’est éteint dans l’immense bleu. Mon corps n’est plus rien qu’un simple appât, qui dans l’eau nourrira ses poissons. Adieu maman. Adieu mes rêves. Moi qui croyais revoir un jour ton sourire, réentendre ta voix qui m’appelait toujours dans la cuisine. Mais hélas maman, la mer m’a surpris. Non, je ne saurais nager, car je n’ai connu que le désert. Aujourd’hui j’ai péri comme autant d’autres que moi. Adieu maman. Adieu mes rêves. Je ne connaîtrai pas de victoire. Je ne connaîtrai pas de liberté. Je ne reviendrai plus jamais. Et tu ne t’en rendras compte qu’avec les tant d’années qui couleront. Tu diras à nos voisines « Mon fils est parti depuis très longtemps, je n’ai plus de ses nouvelles ». Ton coeur te dira, mon fils a peut-être péri. Cette fois-ci tu auras raison maman. Ah oui maman, ton fils n’a pas su comment nager et a péri comme tant d’autres que lui. Tu le sauras dans longtemps mais tu ne l’avoueras à personne. Tu pleureras toutes tes nuits. Tu pleureras tous tes jours. Tu croiras enfin ton coeur, qui avait toujours raison. Et ta vie ne sera que tristesse. Tu mourras de détresse. Adieu ma pauvre maman. Moi qui n’ai pas eu le temps de comprendre que le destin, ce n’est pas l’homme qui le choisit, mais plutôt la vie qui le lui offre. Car ma liberté m’a coûté plus chère que ma vie. Je n’ai rien eu d’autre à donner que mon âme. Adieu maman, adieu mes rêves, adieu ma pauvre vie.
WANA MOHAMED NOUR.