Violences & abus
De nouveaux articles dénoncent les violences sur les mineurs isolés. Beaucoup sont victimes de viol, d’esclavage et de prostitution. Des personnes rodent autour des centres d’accueil et des campements pour repérer les personnes vulnérables. La disparition des mineur.e.s est un problème récurrent. Sur le campement de Porte de la Chapelle, les gens ont été témoins d’enlèvements de femmes, et de la tentative de personnes d’inviter des jeunes chez eux en leur proposant aide et soutien avec l’intention d’abuser d’eux.
En 2017 le nombre de mineur.e.s isolé.e.s en France est passé à 16 000.
Selon l’Unicef et l’OIM, 77% des enfants et jeunes qui rejoignent l’Europe via la Méditerranée ont déjà subi des abus (tortures, viols, violences, esclavage, trafics, discriminations…) Ils/elles arrivent en Europe avec des dettes dues au coût du voyage et sont d’autant plus exposé.e.s.
Scolarisation
La rentrée a été chaotique pour de nombreux.ses mineur.e.s isolé.e.s et des enfants de familles exilées. Ceux-ci se sont vus refuser leur inscription à l’école, par des municipalités peu désireuses de “fixer” les gens dans leur localité. Une fois les enfants scolarisés, les procédures d’expulsions sont souvent empêchées pour ne pas perturber la scolarité et ne pas détruire à nouveau un cadre sécurisant. Malheureusement cette même raison est aujourd’hui invoquée pour empêcher les inscriptions, expliquant que les familles, étant logées dans des hébergements d’urgence, devront sans doute bientôt changer d’académie. Deux raisons démontrent l’absurdité de ce propos. Tout d’abord, les hébergements d’urgence se pérennisent souvent en l’absence d’autres solutions, deuxièmement un.e enfant inscrit.e à l’école dispose d’un dossier national et peu ainsi changer d’académie sans difficultés, même si des changements répétitifs sont peu désirables.
La situation est encore plus compliquée pour les mineur.e.s isolé.e.s en recours. Ces jeunes sont automatiquement rejeté.e.s par les écoles, jusqu’à ce que leur minorité soit prouvée, ce qui peut prendre plusieurs années. Beaucoup de ces jeunes sont toujours à la rue et dans une grande précarité. Dans un flou juridique, ils ou elles ne sont pas pris en charge par les organismes d’État, ni comme adultes demandeur.se.s d’asile, ni comme mineur.e.s, et dépendent du soutien des associations. Officiellement 85% d’entre eux et elles ne sont pas reconnu.e.s comme mineur.e.s à la fin de la procédure.
Une campagne est en cours afin de dénoncer cet état des choses.
Présomption de minorité
Le Conseil de l’Europe a publié un rapport soulignant que les jeunes ne doivent pas être soumis contre leur gré à des examens médicaux pour définir leur âge. Ceux-ci sont pointés du doigt depuis longtemps pour leur manque de fiabilité. De plus toute méthode physique ou médicale d’évaluation de l’âge peut être vécue comme une expérience traumatisante.
24 pays utilisent des radios du poignet, 19 un examen dentaire, et 7 des “évaluations de la maturité sexuelle”, procédé décrié, étant non seulement tout aussi imprécis, mais « portant atteinte à l’intégrité de la vie privée et à l’intégrité physique de la personne », et pouvant « équivaloir à un traitement inhumain ou dégradant ».
En cas de doute les jeunes doivent être considérés comme mineurs. En tant que tel ils et elles bénéficient de droits inconditionnels (hébergement, regroupement familial, protection et impossibilité d’une reconduite à la frontière). Agir autrement c’est se mettre dans l’illégalité face aux règlements internationaux en vigueur.
26 pays appliquent le principe « qu’en l’absence de preuves qu’une personne est adulte, le principe de présomption de minorité impose de considérer cette personne comme un enfant. »
En septembre, le gouvernement s’est engagé à aider financièrement les départements pour la prise en charge des mineur.e.s isolé.e.s (reconnu.e.s comme tel.le.s). Les structures d’accueil sont toujours saturées. 6,5 millions d’euros devraient être utilisés pour rembourser la période d’évaluation aux départements. Les départements recevront 30% du coût correspondant à la prise en charge des mineurs isolés supplémentaires en 2017. Un plan devrait être dévoilé début 2018.
Si la présomption de minorité était appliquée, cela permettrait des économies qui pourraient être investies dans les hébergements, et cela éviterait beaucoup de souffrance et d’attente aux jeunes concerné.e.s par les procédures de recours.
Dans la loi
La loi du 14 mars 2016 rappelait que « la prise en charge de droit commun de l’aide sociale à l’enfance s’exerce sans condition de nationalité » et « les obligations qui incombent à un État en vertu de la Convention s’appliquent à l’intérieur de ses frontières, y compris à l’égard des enfants qui passent sous sa juridiction en tentant de pénétrer sur son territoire. La jouissance des droits énoncés dans la Convention n’est donc pas limitée aux enfants de l’État partie et doit […] être accessible à tous les enfants − y compris les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants −, sans considération de leur nationalité, de leur statut au regard de l’immigration ou de leur apatridie. »
En l’absence d’autorité parentale et du fait de leur isolement les jeunes étrangers devraient donc bénéficier d’une prise en charge par les autorités publiques ; ils sont de plus soumis à une procédure différente de celle mise en place pour les jeunes français, où l’examen de leur isolement et de leur âge prend le pas sur la reconnaissance de leur vulnérabilité. Les départements s’en servent pour contredire leur minorité et ne pas avoir à les prendre en charge.
L’article (L. 222-5) souligne pourtant l’importance de la notion de vulnérabilité par rapport à celle de minorité : « Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants ».
À Paris
Après la pétition que nous avons lancée, la question de la prise en charge des Mineurs Non Accompagnés a été mise à l’ordre du jour du Conseil de Paris.
L’article de Linga expose très bien la situation et cette séance du Conseil.
À Paris Versini continue de dire qu’il n’y a pas de mineur.e.s isolé.e.s dans les rues. En juillet aux assises de la protection de l’enfance, les professionnels ont manifesté leur inquiétude. Fermeture d’établissements, dégradation des conditions de travail, manque de moyens…
En juin le président du département de Seine-Saint-Denis et la maire de Paris, ont rédigé une missive, appelant l’État à « repenser les dispositifs afin de garantir le droit des enfants ». Ils demandent plus de moyen pour les départements et « la centralisation par l’État du dispositif d’évaluation et de mise à l’abri des jeunes migrants », invoquant une « meilleure articulation des compétences » et une meilleure « répartition financière ».
Anne Hidalgo a donc expliqué que les jeunes isolés seraient trop nombreux pour que les départements puissent les prendre en charge. Ils constitueraient un « public spécifique », pas tout à fait des mineurs isolés comme les autres. Elle en appelle donc à l’État pour assurer leur protection, et contre la loi de mars 2016. Hidalgo et Troussel voudraient les orienter vers des plateformes qui leur seraient spécifiques : « cette évolution pourrait s’appuyer sur la création de plateformes d’évaluation et de mise à l’abri par l’État [...] comparables à celles menées dans le cadre de l’examen des demandes d’asile par l’OFPRA ». Donc exit l’ASE, ces mineurs ne sont pas des enfants comme les autres, et ce en totale contradiction avec tous les textes juridiques internationaux du droit des enfants. Avant d’être mineurs il sont “migrants”.
Au cours de l’été les “refus-guichet” ont perduré (refus au faciès à l’entrée du Demie) et en août, environ 200 jeunes ont été remis à la rue par cette structure, illégalement car la loi oblige le Demie à mettre à l’abri les jeunes se présentant pour le temps de leur évaluation jusqu’à la décision de la DASES (ASE de Paris), ce qui permet une saisine du juge des enfants lors d’un refus de prise en charge.
Jean-François Martini du GITSI indiquait « Notre crainte, c’est que l’Etat finisse par entendre la contestation des départements qui ne veulent plus s’occuper de l’accueil des mineurs et qu’apparaisse un dispositif à deux vitesses. Un dispositif de droit commun piloté par les départements et réservé aux mineurs isolés français et un autre géré par l’Etat réservé aux mineurs isolés étrangers ».