FRONTEX
Cette agence mérite qu’on la mentionne le plus souvent possible : opaque, très couteuse, sans contrôle démocratique et quasi exempte de responsabilité juridique (grâce à une dilution de celle-ci entre les États membres et les institutions de l’UE, empêchant tout recours contre elle). C’est l’agence la plus financée de l’UE. Voir plus : www.frontexit.org
Nouveaux outils
Dans un article sur le business profitables des migrations, la CADTM revient sur la sous-traitance de la gestion dans les secteurs des centres, de l’aéronautique, de la surveillance et des visas. Cette privatisation qui permet de sauvegarder une image “propre” pour les États, engrange opacité, dilution de responsabilité et met à l’abri le gouvernement contre les accusations de violation de la loi. Dans le même temps Streetpress alerte sur la privatisation des expulsions par les États. Il n’y a pas si longtemps, pour renvoyer des personnes vers leur pays, il fallait que les autorités obtiennent un laissez-passer consulaire auprès de l’Ambassade ou Consulat de ce pays. Mais l’Europe, afin de contourner cela, a créé un “laissez-passer européen”, permettant les expulsions sans avoir besoin de recourir à l’accord (explicite ou implicite) des pays concernés. Violant une fois de plus la souveraineté des États. Médiapart décrypte la dernière version du règlement européen, en cours de négociation, qui permet les expulsions vers les “pays tiers sûrs”. Ce règlement, (d’application directe sans besoin de transposition dans les législations nationales), prévoit que les États puissent refuser les demandes d’asile provenant de personnes ayant transité dans des “pays tiers sûrs” et les expulser vers ces derniers. Ce serait des pays où « les demandeur.se.s n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques ». Ce concept change tout le droit d’asile, permettant que les personnes soient renvoyées dans des pays autres que le leur et sans même que leur demande ait été examinée par un pays européen. Les critères d’acceptations de la demande d’asile ne seront donc plus basés sur les persécutions ou les raisons du départ, mais sur le trajet et la possibilité de renvoyer vers un pays de transit. Ce nouveau texte s’inscrit dans la lignée de l’accord UE-Turquie, qui pose également les bases pour les accords avec le Niger, le Tchad, des pays du Maghreb… Gérard Collomb, l’a inscrit dans son pré-projet de loi sur l’asile et l’immigration, anticipant ce règlement. Toutes ces mesures rejoignent la mise en place du FFUA (Fonds Fiduciaire d’Urgence pour l’Afrique), créé pour « renforcer le contrôle aux frontières, améliorer la gestion de la migration, favoriser la résilience et créer de nouvelles opportunités d’emplois dans 26 pays africains. » Présenté comme une aide indispensable au développement des pays africains (initialement prévue de 2 milliards d’euros), ce n’est en définitive qu’un moyen de pression supplémentaire de l’UE sur ces pays “sources” ou de transit. On vous donne de l’argent ou on vous place comme partenaires prioritaires pour des accords commerciaux, en échange de quoi vous gardez chez vous les personnes souhaitant se rendre en Europe, et vous acceptez ceux que l’on expulse. Toute personne se trouvant sur les routes migratoires devient suspect de vouloir partir en Europe. Des réseaux de corruption et de trafics se mettent en place, il faut dissuader, retenir, rendre le trajet plus dangereux etc. Mais dans les pays faisant partie de la CEDEAO (accord garantissant la libre circulation des personnes dans la région, et d’autant plus pour les ressortissants des pays de l’accord), c’est à nouveau un viol des accords préexistants, un risque de déstabilisation de l’économie, de la politique et de la diplomatie, des pays concernés. En parrallèle l’UE a signé des accords de migration avec le Niger, le Mali, le Nigéria, le Sénégal et l’Éthiopie. Ceux-ci agglomèrent l’aide au développemnt, les accords commerciaux, le renforcement des contrôles aux frontières et sur les routes migratoires, et le retour des personnes expulsées par l’Europe. Le FFUA (déjà appelé le “fonds anti-migration”) est critiqué pour son opacité. Il ne faut pas non plus oublier que les situations économiques et sociales désastreuses dans de nombreux pays, sont dues à des politiques et directives européennes. La construction des hotspots en Afrique pose aussi question. Quelques villes au Niger et au Tchad, carrefours de migrations à l’entrée du désert, seront concernées pour l’implantation de hotspots. Ce dispositif sera accompagné de la présence de forces de la police aux frontières européenne. Macron a annoncé que la France accueillerait 3000 personnes parmi celles pouvant prétendre à l’asile depuis ces installations, d’ici 2019. Que ce passera-t-il pour les autres ? Et quelle souveraineté pour les pays où s’installera ce dispositif ? La présence de forces armées européennes dans ceux-ci paraît extrêment choquante. Pour les villes accueillant ces centres, se pose aussi la question de la surpopulation et de la déstabilisation de leur fonctionnement. Certaines d’entre elles ont déjà du mal à se fournir en eau potable et électricité. La plupart des personnes sur la route vers l’Europe viennent de pays éloignés, et en auront déjà traversé plusieurs avant d’arriver au Niger ou au Tchad. S’ils ne sont pas acceptés comme candidats à l’asile, comment se fera le renvoi, s’ils sont simplement refoulés des hotspots, ne vont-ils pas tout de même tenter le voyage, dans des conditions tout aussi atroces qu’aujourd’hui ? Quel intérêt alors que la création de ce dispositif ? La détention ou l’expulsion de ressortissants de pays voisins, et/ou membres de la CEDEAO comme le Niger, pourrait créer des tensions, voir des conflits, entre les pays. Au Tchad, l’OFPRA a commencé ses missions d’identification de personnes pouvant être éligibles à l’asile en France.
Esclavage
La video sur l’esclavage en Libye a suscité l’indignation générale, à juste titre. Il ne faut en rien diminuer la gravité de ces crimes, mais ils ne doivent pas non plus occulter l’exploitation et la misère de milliers de personnes exilées au Maghreb, en Libye, en Afrique subsaharienne, soumis à l’ensemble des formes d’esclavagisme. Cette vidéo doit servir à éclairer la situation déplorable que rencontrent les personnes exilées dans le monde, subissant tous les types d’exploitation. En Mauritanie, en Égypte, en Israël (via des milices de bédouins) l’esclavage est pratiqué au vu et au su de tous depuis aussi longtemps que des gens en ont témoigné.
Depuis les années 60, des journalistes et des chercheurs rapportent dans quelles conditions extrêment difficiles vivent les personnes exilées. Le chaos actuel a aggravé une situation préexistante. En Afrique du nord, le racisme envers les Africains subsahariens est notoire. Tour à tour naturalisés ou expulsés par centaines, les gouvernements et les milices les utilisent à des fins politiques et stratégiques.
Aujourd’hui, c’est à la demande de l’UE que les autorités libyennes mènent une politique de répression et de rétention des personnes exilées.
Le travail forcé auxquels sont soumis les personnes exilées et certains libyens, dure généralement quelques mois, le temps d’une “location” à un prix dérisoire et dans des conditions horribles, par les miliciens pour leurs besoins personnels.
Cette forme d’esclavage est possible à cause de la précarité des personnes, et des failles béantes des politiques migratoires que les miliciens utilisent à leurs fins.
Aller plus loin :
En Italie & en Grèce
Après la grève des policiers, ce sont les maires de Lesbos et des îles de la mer Egée qui sont venus manifester à Athènes pour demander le transfert des personnes exilées retenues dans les camps, vers le continent. Ce transfert est interdit par l’accord UE-Turquie, qui impose le confinement des demandeurs d’asile dans les îles, jusqu’à ce que leur demandes soient traitées.
Le ministre de la migration, Mouzalas, n’exclue pas qu’il y ait des morts cet hiver dans les camps, dues au froid et aux conditions de vie. A Lesbos, plus de 8500 personnes sont toujours bloquées. Le camp de Moira est surpeuplé et les arrivées continuent depuis la Turquie.
D’après FTDES, de nombreux tunisiens arrivés à Lampedusa risquent l’expulsion vers la Tunisie. Or, l’accord de 2011 n’autorise pas à dépasser 30 expulsions par semaine, quota qui serait dépassé si l’Italie met à exécution cette menace. Un témoignage circule :
Dans le camp de Lampedusa plusieurs tunisiens se sont mis en grève de la faim. Ils ont publié un communiqué, le 27 octobre 2017 :
« [...] Nous nous trouvons actuellement dans le centre d’hébergement des migrants sur l’île de Lampedusa dans des conditions humanitaires difficiles. Nous sommes menacés d’expulsion forcée qui viole les conventions internationales qui garantissent la liberté de circulation, qui s’opposent aux politiques d’expulsion et aux conventions bilatérales inéquitables qui priorisent la sécurité des frontières au détriment des droits universels.
[...] Nos rêves ne sont pas différents de la jeunesse européenne qui jouit d’une liberté de mouvement dans notre pays et ailleurs à la recherche d’autres expériences mais aussi pour promouvoir la liberté, la justice sociale et la paix.
Nous appelons les personnes libres qui défendent l’existence d’un autre monde où dominent les valeurs universelles et la solidarité à nous soutenir. Parce que tandis que votre argent et vos biens circulent librement dans nos pays d’origine, vous emprisonnez nos rêves derrière vos murs. »