Circulaire du 20/11/17
Malgré ce que peut dire Aurélien Tasché sur France Inter, la circulaire (instruction du 20/11/17) et le rapport sur la discussion entre le ministre de l’Intérieur et les associations, contredisent ce qu’il ne cesse de nous répéter, « les policiers n’interviendront pas dans les centres d’hébergement d’urgence », « les personnes, sans distinction, ont toutes le droit d’être hébergées ». Ah bon ? Ce n’est pas ce que dit Collomb. Manque de cohésion au gouvernement ? Jeu du gentil et du méchant flic ?
Parce que le ministre de l’Intérieur est lui très clair sur sa position, et Macron se cache à peine plus de sa volonté de renvoyer massivement, de trier au maximum, et de réduire toute possibilité d’atteindre ne serait-ce qu’une mini enclave européenne. Les forteresses Europe et France, ont encore de beaux jours devant elles.
Instruction du 20/11/17 (n°NORINTV1730666J)
Envoyée par Gérard Collomb aux préfèts, à la gendarmerie, à l’OFII et l’OFPRA.
Objet : les objectifs et priorité en matière de lutte conte l’immigration irrégulière.
Dans celle-ci il revient sur la nécessité « d’assurer l’éloignement des étrangers en situation irrégulière, notamment les demandeurs d’asile débouté et le transfert des [dublinés] ».
Il annonce que les « dispositions législatives […] en préparation concernent […] les délais de la procédure d’asile, le cadre juridique de la retenue pour vérification de droit au séjour, et la rétention. »
Il enjoint ses destinataires à agir rapidement et à « droit constant. » En renforçant leur « action de lutte contre l’immigration irrégulière. »
Quelques objectifs :
« L’éloignement des ressortissants de pays tiers vers les pays tiers. » Ils sont le « public prioritaire […] en matière d’éloignement. »
« La mise en œuvre […] des décisions d’éloignement constitue […] un axe essentiel, pour notre pays, de l’équilibre de notre procédure d’asile et […] du dispositif […] d’accueil. »
Il faut donc délivrer des OQTFs à tou.te.s les débouté.e.s.
Pour ça un nouveau dispositif a été mis en place (loué par le ministre), consistant à envoyer de manière automatique, éléctroniquement et en temps réel, la décision de rejet de l’OFPRA et de la CNDA, aux préfectures.
L’OFII créé des listes hebdomadaires des débouté.e.s, par “site d’hébergement” pour faciliter les expulsions.
Autre mesure pour « favoriser l’éloignement » : le placement en rétention. À charge pour l’OFPRA de fournir les documents sur la nationalité des personnes. Les préfets eux peuvent « déléguer [l’éloignement] aux services de la police aux frontières (PAF). »
En 2016, en Europe, 1 205 300 demandeur.se.s d’asile ont été enregistrés. Environ 52% des demandes d’asile effectuées en France aujourd’hui viennent de personnes dublinées.
Le but du ministre, les transférer.
« La mise en œuvre […] des décisions de transfert constitue un axe essentiel […] de la gestion des flux migratoire secondaires [en Europe] et […] un objectif du Plan d’action pour garantir le droit d’asile. »
Apparemment des résultats “positifs” ont été enregistrés ces derniers mois. Pour Collomb il faut poursuivre les efforts et recourir autant que possible à la procédure Dublin.
Pour faciliter les transferts il recommande les assignations à résidence, dés la présentation au guichet unique… Notamment grâce au dispositif PRADHA, centres dédiés initialement à cela.
Une fois l’arrêté de transfert prit, il faut « privilégier l’assignation à résidence », notifiée en même temps que la décision de transfert. Les recours contre ceux-ci doivent être faient en 48h. Si la personne est considérée en fuite, le délai de transfert passe à 18 mois à partir de l’accord avec le pays de destination.
Collomb recommande aussi, en lien avec l’OFII, de tout faire pour assurer la « promotion des aides au retour et à la réinsertion. » Il faut en faire la pub, dans les centres d’hébergement, de rétention, à l’OFII, à la préfecture…
On imagine bien que les agents de l’OFII et des préfectures seront plus zelés sur les traductions et la disponibilité de ces livrets, qu’actuellement sur ceux sur le parcours, les aides et tout ce qui peut faciliter le séjour des demandeur.se.s d’asile en France.
Apparement le dispositif a « un réel intérêt, notamment pour les familles. » (Accompagné parfois d’une interdiction de retour sur le territoire).
Jusqu’au 31/12 il y a une majoration des aides, en vu des démantelements de campements et les sorties de CAO ou CHU prévus (joyeuses fêtes !).
La décision de proposer ou non ces aides au retour est laissée à la discrétion des préfèts.
Quelques outils :
« La lutte contre l’immigration irrégulière relève de la responsabilité de chaque préfèt de départemen. » Pour ça le ministre a décidé de « renforcer les services “étrangers”. » Donc 150 postes à temps-plein vont être créer (dont une partie consacrés aux procédures d’éloignement). Encore une fois on pourrait trouver des secteurs plus importants dans l’administration à pourvoir en fonctionnaires (éducation, culture, santé, services sociaux…)
Tout ce petit monde est appelé à se mobiliser autour de l’objectif de lutte contre l’immigration iréégulière, via les contrôles et interpellations « chacun selon sa zone de compétence. »
Pour être ensuite livrés à la PAF (comme pratiqué déjà dans 17 circonscriptions de sécurité et quelques gendarmeries).
Surtour il faut délivrer des OQTFs « même si la situation de l’étranger ne permet pas de mettre en œuvre immédiatement son éloignement. »
Que de compétences et de mesures mises en place pour assurer la continuité de la violence institutionnelles. On priorise même plus l’hébergement dédié à l’assignation à résidence, que les hébergements d’urgence...
Le DPAR, Dispositif Pour l’Aide au Retour, est un dispositif mettant en place une “préparation” du retour, (priorité à l’éloignement des débouté.e.s), avec suivi administratif individualisé, accompagnement par un opérateur ( ?) et simplifiaction de la procédure d’hébergement (en PRADHA si possible) pour assigner à résidence. 7 DPAR sont en fontionnement. Le taux d’éloignements dans ce cadre vacille entre 60 et 65%. Ils produisent, d’après Collomb, des « réultats encourageants en termes d’éloignements de demandeurs d’asile déboutés, y compris en famille. » Le but c’est qu’ils y en aient partout partout maintenant.
« En cas d’échec de ce processus volontaire, l’obligation de quitter le territoire doit être mise à exécution de manière contrainte. »
On passe aux centres de rétention. Le but, augmenter les enfermements. Pour ça 200 nouvelles places sont rendues disponibles dans les semaines à venir. (Dont 59 à Vincennes et la réouverture du CRA de Strasbourg en janvier).
C’est bien connu, pour vivre dans un pays respectueux des droits et où il fait bien vivre, enfermons le plus possible !
Tout doit être fait pour faciliter les placements en rétention et l’ouverture de places. Pour l’instant, 6 CRAs ont des « pôles interservices d’éloignement » (Lille, Lyon, Rennes, Toulouse, Marseille et Metz) qui « contribuent utilement à la préparation de l’éloignement » (entendre : expulsions).
Il “invite” aussi à placer beaucoup plus de personnes en Local de Rétention (LRA) pour max 48h, mais en fait « éventuellement prolongeables le temps qu’il ait été statué sur le recours de l’étranger. » Ces LRA peuvent être temporaires, créés par arrêté préfectoral. Il y a quand même des conditions (ouf !) pour la création de ces locaux (l’accès à des toilettes, téléphone en libre accès, locaux de visite…)
« Je vous rappelle que le placement en rétention d’’un étranger accompagné d’un mineur est encadré par l’article L.551-1 du CESEDA et doit prendre en compte l’intêrét supérieur de l’enfant. »
« Le nombre d’assignation à résidence connaît une augmentation significative. Qui a vocation à se poursuivre. »
Certains extraits se passent de commentaires.
Conclusion : « la lutte contre l’immigration irrégulière est une priorité de l’action gouvernementale et fait l’objet d’un suivi interministériel renforcé. Cette priorité implique de votre part […] une détermination sans faille […]. Soyez assurés, dans l’exercice de cette diffcilie mission, de l’appui […] du ministère de l’intérieur et mon entier soutien. »
Quel réconfort de savoir que Collomb veille ainsi à la bonne marche de ces procédures qui bafouent tous les français ayant encore une once d’humanité en eux.
#Not in my name
Le préfèt de Haute-Savoie, Pierre Lambert, a écrit aux gestionnaires des HUDA et ATSA : « il est envisagé par […] l’État d’assigner à résidence [les personnes n’ayant plus le droit de rester en France] » Pour cela il demande des listes mensuelles des résident.e.s avec leur identité. Dénoncer, enfermer, le message du ministre de l’intérieur est bien passé.
Enfin ! Le Secours Catholique, Emmaüs Solidarité & International, MDM, la FEP, la Fédération des Acteurs de la Solidarité, et une dizaine d’autres associations ont claqué la porte du ministère de l’intérieur le 8 décembre. Gérard Collomb voulait leur présenter la circulaire permettant d’anvoyer des équipes pour contrôler les personnes hébergées dans les centres d’hébergement d’urgence, afin d’en expulser les sans-papiers. Les associations ont refusé cette politique de tri et d’y concourir. Elles avaient demandé une concertation, on leur a présenté un projet fini en leur demandant simplement d’y participer. Dans la logique de renvois massifs mis en place, le gouvernement ouvre clairement les hostilités. Cette fois ci la ligne est affichée et assumée. Louis Gallois (président de la FAS), dénonce dans le Monde une « remise en cause de l’accueil inconditionnel. » Et ajoute : « les centres d’hébergement ne doivent s’associer en rien à ces démarches policières et nous le demanderons à nos adhérents. » Certaines associations sont restées avec le ministre : le groupe SOS, Coalia, Aurore, Forum Réfugiés. France Terre d’Asile n’était pas venue.
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